Une étude vise à mettre au point un outil d’aide à la prise de décision partagée pour les patients autochtones atteints de polyarthrite rhumatoïde

Une équipe d’Arthrite-recherche Canada à Calgary mène des recherches pour tester une nouvelle approche en matière de prise de décision partagée pour les personnes autochtones atteintes de polyarthrite rhumatoïde.

Les chercheurs collaborent avec des communautés autochtones en Alberta pour adapter un outil d’aide à la prise de décision existant. L’objectif est de faire en sorte que cet outil, qui décrit les différentes options de traitement, soit plus facile à utiliser. Les chercheurs veulent également déterminer si un accompagnateur en matière de prise de décision permettrait aux patients autochtones atteints d’arthrite de se sentir plus à l’aise lorsqu’ils choisissent leur traitement.

« L’expérience quotidienne des patients autochtones au sein du système de santé est marquée par le racisme, la méfiance et les stéréotypes », explique la Dre Cheryl Barnabe, une rhumatologue, une chercheuse scientifique principale chez Arthrite-recherche Canada, et une membre de la Métis Nation of Alberta (appelée aujourd’hui Otipemisiwak Métis Government).

Frank (patient), Dre Cheryl Barnabe, Dr Beto Loyola-Sanchez

La Dre Barnabe souligne que les rendez-vous médicaux sont souvent assez courts et que les médecins souhaitent généralement que les patients prennent des décisions sur le champ, non seulement pour définir le traitement et agir rapidement sur l’activité de la maladie, mais aussi pour être efficaces dans leur pratique et préparer les ordonnances et les demandes de tests de laboratoire au moment de la visite. Elle explique également que les personnes qui travaillent dans le système de santé depuis 20 ou 30 ans ne se rendent souvent pas compte de l’impact négatif que cette approche peut avoir sur les patients autochtones.

« Nous ne voulons pas que les personnes qui éprouvent déjà une certaine méfiance à l’égard du système médical et des professionnels de la santé se sentent bousculées, ou que quelqu’un prenne des décisions pour elles, ce qui reflète une approche coloniale », souligne la Dre Barnabe.

« Nous devons donner aux gens le temps et l’espace nécessaires pour qu’ils comprennent les options qui s’offrent à eux », ajoute-t-elle.

L’objectif de cette recherche est de créer un environnement de soins sûr pour les personnes autochtones atteintes d’arthrite, et de leur offrir l’autonomie et l’autodétermination nécessaires tout au long du processus de prise de décision.

Adapter un outil d’aide à la prise de décision existant

Des chercheurs et des patients autochtones qui vivent en milieu urbain et qui souffrent d’arthrite, originaires de Calgary et de la Première Nation Siksika, dans le sud de l’Alberta, ont travaillé ensemble pour adapter un outil d’aide à la prise de décision existant, déjà approuvé par la Société canadienne de rhumatologie. Ils ont supprimé les images stigmatisantes, telles que des flacons de pilules renversés, qui évoquaient des stéréotypes de toxicomanie, et les ont remplacées par des images culturellement appropriées.

La formulation a également été mise à jour afin d’éliminer les termes mal adaptés, tels que contrôle de la maladie.

L’équipe a mis à jour l’outil d’aide à prise de la décision pour favoriser une approche holistique qui intègre la santé mentale et la santé émotionnelle, les cérémonies, les liens culturels et linguistiques, et les thérapies autochtones traditionnelles.

« Nous voulons que les patients autochtones sachent qu’ils n’ont pas à choisir la médecine conventionnelle au détriment de la médecine traditionnelle », explique la Dre Barnabe. « Nous voulons aussi qu’ils sachent que s’ils reçoivent les conseils d’un guérisseur, leur rhumatologue ne leur dira pas : « Non, vous ne pouvez suivre que mon traitement. » Nous voulons que les gens aient accès aux traitements qui sont efficaces pour eux. » 

Le nouvel outil d’aide à la prise de décision inclut également davantage de renseignements sur la couverture des coûts des médicaments proposés en fonction des régimes d’assurance, car cela est étroitement lié à l’identité de chaque communauté. Tout le monde ne dispose pas d’une assurance privée et la couverture peut varier d’une communauté autochtone à l’autre.

Orienter la conversation

Selon la Dre Barnabe, il faut faire plus que simplement remettre un outil d’aide à la prise de décision écrit à un patient autochtone. 

« Les gens souhaitent que quelqu’un les accompagne et prenne le temps de les guider à travers les différentes options de traitement en utilisant l’outil d’aide à la prise de décision », souligne-t-elle. Bien que le rôle d’accompagnateur en matière de prise de décision n’existe pas encore dans le système de santé, la Dre Barnabe précise qu’il peut s’agir d’une infirmière, d’un pharmacien, d’une physiothérapeute, d’un psychologue ou d’un membre de la communauté, pour autant que cette personne soit formée pour présenter et expliquer les options de traitement et d’autres informations.

« Il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse d’un professionnel de la santé », précise la Dre Barnabe. « Cette personne peut être une représentante en santé communautaire ou un membre de la collectivité atteint de polyarthrite rhumatoïde, qui a été formé pour guider les patients à travers les différentes options de traitement en utilisant l’outil d’aide à la prise de décision. » 

En fonction des résultats de l’étude, la prochaine étape consistera à élaborer un plan pour intégrer ce rôle d’accompagnateur en matière de prise de décision dans le système de santé.

« Nous savons que la prise de décision partagée est un mécanisme qui fonctionne. Cette recherche porte sur la manière de la mettre en pratique. »

L’importance du choix

Il existe de nombreuses options thérapeutiques pour les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde. Puisque les médecins ne disposent pas de biomarqueurs leur permettant de savoir quelle combinaison de médicaments sera la plus efficace pour chaque individu, ils se retrouvent avec un grand nombre d’options thérapeutiques. « Le choix est complexe », indique la Dre Barnabe.

Lorsque les patients se voient proposer des options et qu’ils peuvent choisir ce qui leur convient le mieux, ils sont plus enclins à commencer une thérapie et à la continuer.

« Je peux recommander aux gens de suivre une trithérapie, mais s’ils ne sont pas à l’aise avec cette option, ils ne suivront pas le traitement. L’approche doit donc être modifiée car il est dangereux de ne pas traiter la polyarthrite rhumatoïde », explique la Dre Barnabe.

Une inflammation non contrôlée peut entraîner des complications graves, telles qu’une crise cardiaque, un accident vasculaire cérébral ou la formation de caillots sanguins.

« La prise de décision partagée signifie que les patients peuvent préférer une option que nous, en tant que médecins, ne choisirions pas, mais s’ils choisissent ce qui leur convient, il y a de meilleures chances qu’ils continuent le traitement », souligne la Dre Barnabe.

Pour la Dre Barnabe, l’objectif ultime de cette recherche est d’améliorer les résultats thérapeutiques pour les patients autochtones. 

« Cette recherche nous permet d’aborder la conversation médicale et la prise de décision d’un point de vue différent et à un rythme différent », explique la Dre Barnabe.

Les chercheurs recrutent des participants au Elbow River Healing Lodge de Calgary et ils espèrent établir des partenariats avec d’autres communautés autochtones du sud de l’Alberta.

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